Le Loup et l'Agneau
Illustration de
Jean-Baptiste Oudry
(1755)
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
-
" Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
-
- Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
-
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle ;
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
-
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau ;
je tette encor ma mère.
-
- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
-
- Je n'en ai point.
-
- C'est donc quelqu'un des tiens ;
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge. "
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
retour haut de page