Extraits " Les Caractères " de Jean de La Bruyère



Jean de La Bruyère




TEXTE 1


Face au Louvre, on travaille,
On commerce, on s'agite,
Mais dans ce pays en crise économique constante,
La famine et les épidémies règnent encore...


" Il y a des misères sur la terre
Qui saisissent le coeur.
Il manque à quelques-uns
Jusqu'aux aliments ;
Ils redoutent l'hiver
Ils appréhendent de vivre...

L'on mange ailleurs les fruits précoces,
L'on force la terre et les saisons
Pour fournir à sa délicatesse :
De simples bourgeois seulement à cause
Qu'ils étaient riches, ont eut l'audace d'avaler
En un seul morceau la nourriture
De cent familles... "





TEXTE 2


À Versailles, la noblesse doit paraître. Par là elle s'enferme mais ne cesse pourtant de s'enrichir en spéculant à la ville. Pour elle, comme pour les financiers, l'État est une vaste tirelire et non une machine qui produit. Loin de l'argent facile, au creux de la misère, à deux pas du château, il y a les paysans...


" L'on voit ces animaux farouches
Des mâles et des femelles,
Répandus par la campagne,
Nirs, livides, et tout brûlés de soleil,
Attachés à la terre qu'ils fouillent
Et qu'ils remuent avec une opiniâtreté
Invincible...
Ils épargnent aux autres hommes
La peine de semer, de labourer et de
Recueillir pour vivre,
Et méritent ainsi de ne pas manquer
De ce pain qu'ils ont semé. "





TEXTE 3

" De la Cour ", 74 (1ère Édition)


L'on parle d'une région où les vieillards sont galants, polis et civils ; les jeunes gens au contraire, durs, féroces, sans moeurs ni politesse : se trouvent affranchis de la passion dans Femmes dans un âge où l'on commence ailleurs à la sentir ; ils leur préfèrent des repas, des viandes, et des amours ridicules.

Celui-là chez eux est sobre et modéré, qui ne s'enivre que de vin : l'usage trop fréquent qu'ils en ont fait le leur a rendu insipide ; ils cherchent à réveiller leur goût déjà éteint par des eaux-de-vie, et par toutes les liqueurs les plus violentes ; il ne leur manque à leur débauche que de boire de l'eau-forte.

Les femmes du pays précipitent le déclin de leur beauté par des artifices qu'elles croient servir à les rendre belles ; leur coutume est de peindre leurs lèvres, leurs joues, leurs sourcils et leurs épaules, qu'elles étalent avec leur gorge, leurs bras et leurs oreilles, comme si elles craignaient de cacher l'endroit par où elles pourraient plaire, ou ne pas se montrer assez.

Ceux qui habitent cette contrée ont une physionomie qui n'est pas nette, mais confuse, embarrassée dans une épaisseur de cheveux étrangers, qu'ils préfèrent aux naturels et dont ils font un long tissu pour couvrir leur tête : il descend jusqu'à la moitié du corps, change les traits, empêche qu'on ne connaisse les hommes à leur visage...



Maximes et Pensées Morales
de Jean de La Bruyère

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