Correspondancesde personnages historiques

Cinna
ou la Clémence d'Auguste

de Pierre Corneille

 

 

Les personnages

La scène se déroule à Rome

 

 

Acte I
Acte II
Acte III
Acte IV
Acte V

Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV

Scène I
Scène II

Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V

Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI

Scène I
Scène II
Scène III

ACTE II, SCÈNE PREMIÈRE

Auguste - Maxime
Troupe de Courtisans


Auguste
Que chacun se retire, et qu'aucun n'entre ici,
Vous Cinna demeurez, et vous Maxime aussi.
Cet empire absolu sur la Terre et sur l'Onde,
Ce pouvoir souverain que j'ai sur tout le Monde,
Cette grandeur sans borne, et cet illustre rang

Qui m'a jadis coûté tant de peine et de sang,
Enfin tout ce qu'adore en ma haute fortune
D'un Courtisan flatteur la présence importune,
N'est que de ces beautés dont l'éclat éblouit,
Et qu'on cesse d'aimer sitôt qu'on en jouit.
L'ambition déplaît quand elle est assouvie,
D'une contraire ardeur son ardeur est suivie,
Et comme notre esprit, jusqu'au dernier soupir
Toujours vers quelque objet pousse quelque desir,
Il se ramène en soi n'ayant plus où se prendre,
Et monté sur le faîte il aspire à descendre.
J'ai souhaité l'Empire, et j'y suis parvenu,
Mais en le souhaitant je ne l'ai pas connu.
Dans sa possession j'ai trouvé pour tous charmes
D'effroyables soucis, d'éternelles alarmes,
Mille ennemis secrets, la mort à tous propos,
Point de plaisir sans trouble, et jamais de repos.
Sylla m'a précédé dans ce pouvoir suprême,
Le grand César mon père en a joui de même,
D'un œil si différent tous deux l'ont regardé,
Que l'un s'en est démis, et l'autre l'a gardé :
Mais l'un cruel, barbare, est mort aimé, tranquille,
Comme un bon Citoyen dans le sein de sa ville,
L'autre tout débonnaire, au milieu du Sénat,
Á vu trancher ses jours par un assassinat.
Ces exemples récents suffiraient pour m'instruire,
Si par l'exemple seul on se devait conduire,
L'un m'invite à le suivre, et l'autre me fait peur :
Mais l'exemple souvent n'est qu'un miroir trompeur,
Et l'ordre du destin qui gêne nos pensées
N'est pas toujours écrit dans les choses passées.
Quelquefois l'un se brise où l'autre s'est sauvé,
Et par où l'un périt un autre est conservé.
Voilà, mes chers amis, ce qui me met en peine.
Vous, qui me tenez lieu d'Agrippe et de Mécène,
Pour résoudre ce point avec eux débattu
Prenez sur mon esprit le pouvoir qu'ils ont eu.
Ne considérez point cette grandeur suprême
Odieuse aux Romains, et pesante à moi-même,
Traitez-moi comme ami, non comme Souverain ;
Rome, Auguste, l'État, tout est en votre main,
Vous mettrez et l'Europe, et l'Asie, et l'Afrique
Sous les lois d'un Monarque, ou d'une République,
Votre avis est ma règle, et par ce seul moyen
Je veux être Empereur, ou simple Citoyen.


Cinna
Malgré notre surprise et mon insuffisance,
Je vous obéirai, Seigneur, sans complaisance,
Et mets bas le respect qui pourrait m'empêcher
De combattre un avis où vous semblez pencher.

Souffrez-le d'un esprit jaloux de votre gloire
Que vous allez souiller d'une tache trop noire,
Si vous ouvrez votre âme à ces impressions,
Jusques à condamner toutes vos actions.
On ne renonce point aux grandeurs légitimes,
On garde sans remords ce qu'on acquiert sans crimes,
Et plus le bien qu'on quitte est noble, grand, exquis,
Plus qui l'ose quitter le juge mal acquis.
N'imprimez pas, Seigneur, cette honteuse marque
Á ces rares vertus qui vous ont fait Monarque,
Vous l'êtes justement, et c'est sans attentat
Que vous avez changé la forme de l'État.
Rome est dessous vos lois par le droit de la guerre
Qui sous les lois de Rome a mis toute la Terre,
Vos armes l'ont conquise, et tous les conquérants
Pour être usurpateurs ne sont pas des Tyrans ;
Quand ils ont sous leurs lois asservies des Provinces,
Gouvernant justement ils s'en sont juste Prince :
C'est ce que fit César, il vous faut aujourd'hui
Condamner sa mémoire, ou faire comme lui.
Si le pouvoir suprême est blâmé par Auguste,
César fut un Tyran, et son trépas fut juste,
Et vous devez aux Dieux compte de tout le sang
Dont vous l'avez vengé pour monter à son rang.
N'en craignez point, Seigneur, les tristes destinées,
Un si puissant Démon veille sur vos années,
On a dix fois sur vous attenté sans effet,
Et qui l'a voulu perdre, au même instant l'a fait.
On entreprend assez, mais aucun n'exécute,
Il est des assassins, mais il n'est plus de Brute ;
Enfin s'il faut attendre un semblable revers,
Il est beau de mourir maître de l'Univers.
C'est ce qu'en peu de mots j'ose dire, et j'estime
Que ce peu que j'ai dit est l'avis de Maxime.


Maxime
Oui, j'accorde qu'Auguste a droit de conserver
L'Empire où sa vertu l'a fait seule arriver,
Et qu'au prix de son sang, au péril de sa tête,
Il a fait de l'État une juste conquête :
Mais que sans se noircir il ne puisse quitter
Le fardeau que sa main est lasse de porter,
Qu'il accuse par là César de tyrannie,
Qu'il approuve sa mort, c'est ce que je dénie.
Rome est à vous, Seigneur, l'Empire est votre bien,
Chacun en liberté peut disposer du sien,
Il le peut à son choix garder, ou s'en défaire,
Vous seul ne pourriez pas ce que peut le vulgaire,
Et seriez devenu, pour avoir tout dompté,
Esclave des grandeurs où vous êtes monté !
Possédez-les, Seigneur, sans qu'elles vous possèdent,
Loin de vous captiver, souffrez qu'elles vous cèdent,
Et faites hautement connaître enfin à tous
Que tout ce qu'elles ont est au-dessous de vous.
Votre Rome autrefois vous donna la naissance,
Vous lui voulez donner votre toute-puissance,
Et Cinna vous impute à crime capital,
La libéralité vers le pays natal !
Il appelle remords l'amour de la Patrie !
Par la haute vertu la gloire est donc flétrie,
Et ce n'est qu'un objet digne de nos mépris,

Si de ses pleins effets l'infamie est le prix.
Je veux bien avouer qu'une action si belle
Donne à Rome bien plus que vous ne tenez d'elle ;
Mais commet-on un crime indigne de pardon,
Quand la reconnaissance est au-dessus du don ?
Suivez, suivez, Seigneur, le Ciel qui vous inspire,
Votre gloire redouble à mépriser l'Empire,
Et vous serez fameux chez la Postérité
Moins pour l'avoir conquis, que pour l'avoir quitté.
Le bonheur peut conduire à la grandeur suprême,
Mais pour y renoncer il faut la vertu même,
Et peu de généreux vont jusqu'à dédaigner,
Après un sceptre acquis la douceur de régner.
Considérez d'ailleurs que vous régnez dans Rome,
Où de quelque façon que votre Cour vous nomme,
On hait la Monarchie, et le nom d'Empereur
Cachant celui de Roi ne fait pas moins d'horreur.
Ils passent pour Tyran quiconque s'y fait maître,
Qui le sert, pour esclave, et qui l'aime, pour traître,
Qui le souffre a le cœur lâche, mol, abattu,
Et pour s'en affranchir tout s'appelle vertu.
Vous en avez, Seigneur, des preuves trop certaines,
On a fait contre vous dix entreprises vaines,
Peut-être que l'onzième est prête d'éclater,
Et que ce mouvement qui vous vient agiter
N'est qu'un avis secret que le ciel vous envoie,
Qui pour vous conserver n'a plus que cette voie.
Ne vous exposez plus à ces fameux revers,
Il est beau de mourir maître de l'Univers,
Mais la plus belle mort souille notre mémoire
Quand nous avons pu vivre avec que plus de gloire.


Cinna
Si l'amour du pays doit ici prévaloir,
C'est son bien seulement que vous devez vouloir,
Et cette liberté qui lui semble si chère,
N'est pour Rome, Seigneur, qu'un bien imaginaire,
Plus nuisible qu'utile, et qui n'approche pas
De celui qu'un bon Prince apporte à ses États.
Avec ordre et raison les honneurs il dispense,
Avec discernement punit et récompense,
Et dispose de tout en juste possesseur,
Sans rien précipiter de peur d'un successeur.
Mais quand le Peuple est maître on n'agit qu'en tumulte,
La voix de la raison jamais ne se consulte,
Les honneurs sont vendus aux plus ambitieux,
L'autorité livrées aux plus séditieux.
Ces petits Souverains qu'il fait pour une année,
Voyant d'un temps si court leur puissance bornée,
Des plus heureux desseins font avorter le fruit,
De peur de le laisser à celui qui les suit.
Comme ils ont peu de part au bien dont ils ordonnent,
Dedans le champ du Public largement ils moissonnent,
Assurés que chacun leur pardonne aisément,
Espérant à son tour un pareil traitement.
Le pire des États, c'est l'État populaire.

 

Auguste
Et toutefois le seul qui dans Rome peut plaire.
Cette haine des Rois que depuis cinq cents ans
Avec le premier lait sucent tous ses enfants,
Pour l'arracher des cœurs, est trop enracinée.


Maxime
Oui, Seigneur, dans son mal Rome est trop obstinée,
Son peuple qui s'y plaît en fuit la guérison,
Sa coutume l'emporte, et non pas la raison,
Et cette vieille erreur que Cinna veut abattre
Est une heureuse erreur dont il est idolâtre,
Par qui le Monde entier asservi sous ses lois
L'a vu cent fois marcher sur la tête des Rois,
Son épargne s'enfler du sac de leurs Provinces ;
Que lui pouvaient de plus donner les meilleurs Princes ?
J'ose dire, Seigneur, que par tous les climats
Ne sont pas bien reçus toutes sortes d'États,
Chaque Peuple a le sien conforme à sa nature,
Qu'on ne saurait changer sans lui faire une injure :
Telle est la loi du Ciel dont la sage équité
Sème dans l'univers cette diversité.
Les Macédoniens aiment le Monarchique,
Et le reste des Grecs la liberté publique,
Les Parthes, les Persans veulent des Souverains,
Et le seul Consulat est bon pour les Romains.


Cinna

Il est vrai que du Ciel la prudence infinie
D épart à chaque Peuple un différent génie ;

Mais il n'est pas moins vrai que cet ordre des Cieux
Change selon les temps, comme selon les lieux.
Rome a reçu des Rois ses murs et sa naissance,
Elle tient des Consuls sa gloire et sa puissance,
Et reçoit maintenant de vos rares bontés
Le comble souverain de ses prospérités.
Sous vous l'État n'est plus en pillage aux armées,
Les portes de Janus par vos mains sont fermées,
Ce que sous ses Consuls on n'a vu qu'une fois,
Et qu'a fait voir comme eux le second de ses Rois.


Maxime
Les changements d'État que fait l'ordre céleste
Ne coûtent point de sang, n'ont rien qui soit funeste.


Cinna
C'est un ordre des Dieux qui jamais ne se rompt,
De nous vendre bien cher les grands biens qu'ils nous font.
L'exil des Tarquins même ensanglanta nos terres,
Et nos premiers Consuls nous ont coûté des guerres.


Maxime
Donc votre aïeul Pompée au Ciel a résisté
Quand il a combattu pour notre liberté ?


Cinna
Si le ciel n'eût voulu que Rome l'eût perdue,
Par les mains de Pompée il l'aurait défendue,
Il a choisi sa mort pour servir dignement
D'une marque éternelle à ce grand changement,

Et devait cet gloire aux Mânes d'un tel homme,
D'emporter avec eux la liberté de Rome.
Ce nom depuis longtemps ne sert qu'à l'éblouir,
Et sa propre grandeur l'empêche d'en jouir.
Depuis qu'elle se voit la maîtresse du Monde,
Depuis que la richesse entre ses murs abonde,
Et que son sein fécond en glorieux exploits
Produit des Citoyens plus puissants que des Rois,
Les Grands pour s'affermir achetant les suffrages
Tiennent pompeusement leurs maîtres à leurs gages,
Qui par des fers dorés se laissant enchaîner
Reçoivent d'eux les lois qu'ils pensent leur donner.
Envieux l'un de l'autre ils mènent tout par brigues,
Que leur ambition tourne en sanglantes ligues.
Ainsi de Marius Sylla devint jaloux,
César de mon aïeul, Marc-Antoine de vous ;
Ainsi la liberté ne peut plus être utile
Qu'à former les fureurs d'une guerre Civile,
Lorsque par un désordre à l'univers fatal
L'un ne veut point de maître, et l'autre point d'égal.
Seigneur, pour sauver Rome, il faut qu'elle s'unisse
En la main d'un bon Chef à qui tout obéisse.
Si vous aimez encore à la favoriser,
Ôtez-lui les moyens de se plus diviser.

Sylla quittant la place enfin bien usurpée,
N'a fait qu'ouvrir le champ à César et Pompée,
Que le malheur des temps ne nous eût pas fait voir,
S'il eût dans sa famille assuré son pouvoir.
Qu'a fait du grand César le cruel parricide,
Qu'élever contre vous Antoine avec Lépide,
Qui n'eussent pas détruit Rome par les Romains,
Si César eût laissé l'Empire entre vos mains ?
Vous la replongerez en quittant cet empire,
Dans les maux dont à peine encor elle respire,
Et de ce peu, Seigneur, qui lui reste de sang
Une guerre nouvelle épuisera son flanc.
Que l'amour du pays, que la pitié vous touche,
Votre Rome à genoux vous parle par ma bouche,
Considérez le prix que vous avez coûté,
Non pas qu'elle vous croie avoir trop acheté,
Des maux qu'elle a soufferts elle est trop bien payée,
Mais une juste peur tient son âme effrayée.
Si jaloux de son heur et las de commander
Vous lui rendez un bien qu'elle ne peut garder,
S'il lui faut à ce prix en acheter un autre,
Si vous ne préfèrez son intérêt au vôtre,
Si ce funeste don la met au désespoir,
Je n'ose dire ici ce que j'ose prévoir.
Conservez-vous, Seigneur, en lui laissant un maître,
Sous qui son vrai bonheur commence de renaître,
Et pour mieux assurer le bien commun de tous
Donnez un successeur qui soit digne de vous.


Auguste
N'en délibérons plus, cette pitié l'emporte,
Mon repos m'est bien cher, mais Rome est la plus forte,
Et quelque grand malheur qui m'en puisse arriver,
Je consens à me perdre afin de la sauver.
Pour ma tranquillité mon cœur en vain soupire,
Cinna, par vos conseils je retiendrai l'Empire,
Mais je le retiendrai pour vous en faire part,
Je vois trop que vos coeurs n'ont point pour moi de fard,
Et que chacun de vous dans l'avis qu'il me donne
Regarde seulement l'État et ma personne,
Votre amour pour tous deux fait ce combat d'esprits,
Et vous allez tous deux en recevoir le prix.
Maxime, je vous fais Gouverneur de Sicile,
Allez donner mes lois à ce terroir fertile,
Songez que c'est pour moi que vous gouvernerez,
Et que je répondrai de ce que vous ferez.
Pour épouse, Cinna, je vous donne Émilie,
Vous savez qu'elle tient la place de Julie,
Et que si nos malheurs et la nécessité
M'ont fait traiter son père avec sévérité,
Mon épargne depuis en sa faveur ouverte
doit avoir adouci l'aigreur de cette perte.
Voyez-la de ma part, tâchez de la gagner,
Vous n'êtes point pour elle un homme à dédaigner,
De l'offre de vos vœux elle sera ravie.

Adieu, j'en vais porter la Nouvelle à Livie.

 

 


ACTE II, SCÈNE II

Cinna - Maxime

 

Maxime
Quel est votre dessein après ces beaux discours ?


Cinna
Le même que j'avais, et que j'aurai toujours.


Maxime
Un chef de conjurés flatte la Tyrannie !


Cinna
Un chef de conjurés la veut voir impunie !


Maxime
Je veux voir Rome libre.


Cinna
Et vous pouvez juger
Que je veux l'affranchir ensemble, et la venger.
Octave aura vu ses fureurs assouvies,
Pillé jusqu'aux autels, sacrifié nos vies,
Rempli les champs d'horreur, comblé Rome de morts,
Et sera quitte après pour l'effet d'un remords !
Quand le Ciel par nos mains à le punir s'apprête,
Un lâche repentir garantira sa tête !
C'est trop semer d'appas, et c'est trop inviter
Par son impunité quelqu'autre à l'imiter,
Vengeons nos Citoyens, et que sa peine étonne
Quiconque après sa mort aspire à la Couronne,
Que le peuple aux Tyrans ne soit plus exposé,

S'il eût puni Sylla, César eût moins osé.


Maxime
Mais la mort de César que vous trouvez si juste
A servi de prétexte aux cruautés d'Auguste.
Voulant nous affranchir, Brute s'est abusé,
S'il n'eût puni César, Auguste eût moins osé.


Cinna
La faute de Cassie, et ses terreurs Paniques
Ont fait rentrer l'État sous des lois tyranniques,
Mais nous ne verrons point de pareils accidents
Lorsque Rome suivra des chefs moins imprudents.


Maxime
Nous sommes encor loin de mettre en évidence
Si nous nous conduirons avec plus de prudence ;
Cependant c'en est peu que de n'accepter pas
Le bonheur qu'on recherche au péril du trépas.


Cinna
C'en est encor bien moins, alors qu'on s'imagine
Guérir un mal si grand sans couper la racine.
Employer la douceur à cette guérison,
C'est en fermant la plaie y verser du poison.


Maxime
Vous la voulez sanglante, et la rendez douteuse.


Cinna
Vous la voulez sans peine, et la rendez honteuse.


Maxime
Pour sortir de ses fers jamais on ne rougit.


Cinna
On en sort lâchement si la vertu n'agit.


Maxime
Jamais la liberté ne cesse d'être aimable,
Et c'
est toujours pour Rome un bien inestimable.

 

Cinna
Ce ne peut être un bien qu'elle daigne estimer
Quand il vient d'une main lasse de l'opprimer.
Elle a le cœur trop bon pour se voir avec joie
Le rebut du Tyran dont elle fut la proie,
Et tout ce que la gloire a de vrais partisans
Le hait trop puissamment pour aimer ses présents.


Maxime
Donc pour vous Émilie est un objet de haine ?
Et cette récompense est pour vous une peine ?


Cinna
La recevoir de lui me serait une gêne,
Mais quand j'aurai vengé Rome des maux soufferts,
Je serai le braver jusque dans les Enfers.
Oui, quand par son trépas je l'aurai méritée,

Je veux joindre à sa main ma main ensanglantée,
L'épouser sur sa cendre, et qu'après notre effort
les présents du Tyran soient le prix de sa mort.


Maxime
Mais l'apparence, ami, que vous puissiez lui plaire
Teint du sang de celui qu'elle aime comme un père ?
Car vous n'êtes pas homme à la violenter.


Cinna
Ami, dans ce Palais on peut nous écouter,
Et nous parlons peut-être avec trop d'imprudence
Dans un lieu si mal propre à notre confidence.
Sortons, qu'en sûreté j'examine avec vous
Pour en venir à bout les moyens les plus doux.


 

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